Le Figaro,
Un char de l’armée libyenne mercredi à Ajdabiya, dernier verrou des rebelles à 160 km au sud de leur fief de Benghazi. Crédits photo : AHMED JADALLAH/REUTERS
La télévision d’Etat assure que les forces fidèles au dirigeant libyen ont atteint les faubourgs du bastion des insurgés dans l’est du pays. Une information démentie par les rebelles.
Les forces pro-Kadhafi semblent de nouveau gagner du terrain en Libye. L’armée, loyale au dirigeant contesté par les insurgés, est arrivée jeudi aux portes de Benghazi, deuxième ville du pays située dans l’est et bastion de l’insurrection depuis plus d’un mois, a affirmé la télévision d’Etat libyenne. Une information aussitôt démentie par les rebelles.
«La ville de Zuwaytinah est sous contrôle des forces armées qui sont aux portes de Benghazi», indique la chaîne al-Libya. Zuwaytinah se trouve à environ 150 km au sud de Benghazi, ville portuaire sur la Méditerranée où siège le Conseil national de transition, l’instance dirigeante mise en place par les insurgés. «La situation est calme à Benghazi», a au contraire assuré un porte-parole de la rébellion sur place. «Les forces de Kadhafi ont essayé de mener un raid aérien sur la ville, mais la défense anti-aérienne a repoussé l’offensive et a fait tomber deux avions», a-t-il ajouté.
Plus à l’ouest, la situation est tout aussi confuse à Misrata, troisième ville du pays, peuplée de 500.000 habitants. La télévision d’Etat a annoncé que l’armée a pris le contrôle de la ville «et la purge actuellement des gangs criminels armés». Une information également démentie par un porte-parole des rebelles, qui assure que la ville est toujours aux mains des insurgés. «Nous contrôlons toujours la ville et même ses abords. Kadhafi est en train de mobiliser ses forces à quelques kilomètres de la ville», a-t-il déclaré. Selon lui, les combats auraient déjà fait 18 morts à Misrata, dont trois civils.
Mercredi soir, le colonel Kadhafi avait annoncé que ses troupes allaient livrer jeudi «une bataille décisive» pour reprendre Misrata. «Il ne faut pas laisser Misrata otage aux mains d’une poignée de cinglés», avait lancé le colonel libyen, qui a rejeté dans une interview exclusive au Figaro tout dialogue avec les rebelles.
Alain Juppé à New York pour convaincre l’ONU
Dans le même temps à New York, les Occidentaux tentent toujours de s’accorder sur la question de l’instauration d’une zone d’exclusion aérienneen Libye. Le Conseil de sécurité de l’ONU doit voter dans la journée une résolution sur le sujet. Le texte, déposé lundi par les Français, les Britanniques et les Libanais – avec l’appui de la Ligue arabe -, prévoit notamment l’instauration d’une «no fly zone» pour tenter de clouer au sol les avions du régime de Tripoli menaçant de bombarder les civils de Benghazi, où vivent un million d’habitants.
Jeudi, la France a envoyé en urgence son ministre des Affaires étrangères Alain Juppé à New York, pour tenter de convaincre ses partenaires. «Compte tenu de l’urgence dans laquelle se trouve la population libyenne, notamment à Benghazi, Alain Juppé a décidé de se rendre à New York afin d’obtenir, le plus rapidement possible, le vote de cette résolution», indique le ministère dans un communiqué. Le ministre a affirmé mercredi que «plusieurs pays arabes» sont prêts à participer à une action militaire en Libye. Mais l’idée, soutenue par les Etats-Unis, suscite toujours les réticences de la Russie et de la Chine. L’Allemagne, l’Inde et l’Afrique du Sud ont également exprimé des réserves.
Le secrétaire général de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen, a pour sa part estimé jeudi que «plus tôt l’ONU parviendra à un accord» sur la Libye, «mieux cela vaudra», afin d’éviter une «inacceptable» victoire de Mouammar Kadhafi. Selon lui, les attaques du régime libyen contre des civils peuvent constituer des crimes contre l’humanité. «Si Kadhafi l’emporte, cela enverra le message que la violence paye. Ce qui serait inacceptable d’un point de vue humanitaire et démocratique», a-t-il également déclaré sur le réseau social Facebook. Et de répéter : «L’Otan se tient prête à agir pour protéger la population civile des attaques du régime».